Le fait d’être le pays du “Made in Italy”, au sens de pays doté d’un profil fortement esthétique, ne doit pas être vécu comme réducteur, autrement dit un peu éphémère, banal et superflu. On doit le prendre comme un élément de force. Ce n’est malheureusement pas le cas. Notre pays ne vit pas son identité comme un élément de force parce que nous sommes tous les produits d’une culture industrielle. Pour nous, l’innovation ne peut exister qu’en présence d’un ordinateur… Alors, seulement, on pourrait parler d’innovation… Ces mots, empruntés à Piero Fassino, ex-ministre du Commerce Extérieur italien, introduisent assez bien le conflit entre les impératifs d’un marché international “mondialisé” et la nécessité croissante, sur ce même marché, de proposer des produits dotés d’un minimum d’individualité, d’un peu de ce que l’on appelle parfois “le patrimoine identitaire”. C’est là tout l’enjeu du “made in”, ce jeu subtil entre les attentes du consommateur étranger, au-delà du pur facteur prix, et les nécessités économico-identitaires du pays exportateur. Pour le formuler de manière plus simple, au risque de paraître brutal: monnayer l’identité nationale est-il rentable? Et quels sont les effets de cette opération, qui ne peut être que simplificatrice, sur l’évolution de l’image de soi d’un peuple et, à la fin, sur son identité en devenir? Nous nous limiterons, pour notre intervention, à puiser aux exemples français et italien, en les soumettant parfois, à l’éclairage de ce géant économique, de ce “modèle” (de fait, sinon idéal) de l’actuelle mondialisation que sont actuellement les Etats-Unis. France et Italie nous semblent particulièrement intéressantes en ce qu’elles sont toutes deux célèbres pour des secteurs très proches (celui de l’agro-alimentaire et de la mode, par exemple, autrement dit des secteurs du “bien-vivre) tout en subissant et cultivant, à la fois, des images d’elles-mêmes très différentes. A la citation du début peut répondre, en effet, une autre citation, extraite d’un interview de l’écrivain d’origine argentine (désormais naturalisé français), Hector Bianciotti selon lequel: la culture française va perdurer parce que la France a, par rapport aux autres pays européens, une certaine idée d'elle-même. Elle a toujours cru en elle-même et c'est une véritable force. En ce qui concerne l’Italie, cette recherche sera éclairée par le concept de “sistema paese” (système-pays), qui connaît une grande fortune dans le vocabulaire économique italien depuis une dizaine d’années. On se demandera en quoi il peut refléter, pour ce pays, le choix de promouvoir une “esthétique” italienne en renforçant les soubassement d’un système économique encore largement fondé sur les PMI (choix apparemment suicidaire dans un monde globalisé où s’affrontent des géants).. En ce qui concerne la France, les récentes et moins récentes affaires dans le domaine de l’agro-alimentaire (tentative de boycott des produits français par les États-Unis et, plus loin dans le temps, réactions australiennes et néo-zélandaises aux essais nucléaires dans le Pacifique), permettront de s’interroger sur la confiance en soi française (ou “arrogance”, selon d’autres) et son expression à travers “l’exception” française, qui n’est pas seulement culturelle, ainsi que sur les effets de ce comportement. Autrement dit, deux exemples de tentative de renforcement du concept de made-in, l’un par la recherche de moyens institutionnels pour permettre la pérennité, dans un monde globalisé, de l’image d’une Italie Bel Paese, où il fait bon vivre, comme en témoigne les produits qu’elle exporte; l’autre par celui de l’image d’un modèle qui se veut alternatif (plus humain dans un monde inhumain) sur tous les plans économique, politique et social, prolongeant une tradition d’universalisme qui forme, paradoxalement, son identité distincte. Il ne s’agit là, évidemment, que d’orientations générales, qui prendront sens à travers quelques cas précis.

Felce, F. (2009). Le 'Made In' et l'exemple italo-français - Chemins du renforcement de l'image de soi dans un monde en mondialisation?. In Made in. Identités culturelles et emblèmes nationaux dans un espace marchand. (pp.205-213). CRINI.

Le 'Made In' et l'exemple italo-français - Chemins du renforcement de l'image de soi dans un monde en mondialisation?

FELCE, FRANCOISE
2009-01-01

Abstract

Le fait d’être le pays du “Made in Italy”, au sens de pays doté d’un profil fortement esthétique, ne doit pas être vécu comme réducteur, autrement dit un peu éphémère, banal et superflu. On doit le prendre comme un élément de force. Ce n’est malheureusement pas le cas. Notre pays ne vit pas son identité comme un élément de force parce que nous sommes tous les produits d’une culture industrielle. Pour nous, l’innovation ne peut exister qu’en présence d’un ordinateur… Alors, seulement, on pourrait parler d’innovation… Ces mots, empruntés à Piero Fassino, ex-ministre du Commerce Extérieur italien, introduisent assez bien le conflit entre les impératifs d’un marché international “mondialisé” et la nécessité croissante, sur ce même marché, de proposer des produits dotés d’un minimum d’individualité, d’un peu de ce que l’on appelle parfois “le patrimoine identitaire”. C’est là tout l’enjeu du “made in”, ce jeu subtil entre les attentes du consommateur étranger, au-delà du pur facteur prix, et les nécessités économico-identitaires du pays exportateur. Pour le formuler de manière plus simple, au risque de paraître brutal: monnayer l’identité nationale est-il rentable? Et quels sont les effets de cette opération, qui ne peut être que simplificatrice, sur l’évolution de l’image de soi d’un peuple et, à la fin, sur son identité en devenir? Nous nous limiterons, pour notre intervention, à puiser aux exemples français et italien, en les soumettant parfois, à l’éclairage de ce géant économique, de ce “modèle” (de fait, sinon idéal) de l’actuelle mondialisation que sont actuellement les Etats-Unis. France et Italie nous semblent particulièrement intéressantes en ce qu’elles sont toutes deux célèbres pour des secteurs très proches (celui de l’agro-alimentaire et de la mode, par exemple, autrement dit des secteurs du “bien-vivre) tout en subissant et cultivant, à la fois, des images d’elles-mêmes très différentes. A la citation du début peut répondre, en effet, une autre citation, extraite d’un interview de l’écrivain d’origine argentine (désormais naturalisé français), Hector Bianciotti selon lequel: la culture française va perdurer parce que la France a, par rapport aux autres pays européens, une certaine idée d'elle-même. Elle a toujours cru en elle-même et c'est une véritable force. En ce qui concerne l’Italie, cette recherche sera éclairée par le concept de “sistema paese” (système-pays), qui connaît une grande fortune dans le vocabulaire économique italien depuis une dizaine d’années. On se demandera en quoi il peut refléter, pour ce pays, le choix de promouvoir une “esthétique” italienne en renforçant les soubassement d’un système économique encore largement fondé sur les PMI (choix apparemment suicidaire dans un monde globalisé où s’affrontent des géants).. En ce qui concerne la France, les récentes et moins récentes affaires dans le domaine de l’agro-alimentaire (tentative de boycott des produits français par les États-Unis et, plus loin dans le temps, réactions australiennes et néo-zélandaises aux essais nucléaires dans le Pacifique), permettront de s’interroger sur la confiance en soi française (ou “arrogance”, selon d’autres) et son expression à travers “l’exception” française, qui n’est pas seulement culturelle, ainsi que sur les effets de ce comportement. Autrement dit, deux exemples de tentative de renforcement du concept de made-in, l’un par la recherche de moyens institutionnels pour permettre la pérennité, dans un monde globalisé, de l’image d’une Italie Bel Paese, où il fait bon vivre, comme en témoigne les produits qu’elle exporte; l’autre par celui de l’image d’un modèle qui se veut alternatif (plus humain dans un monde inhumain) sur tous les plans économique, politique et social, prolongeant une tradition d’universalisme qui forme, paradoxalement, son identité distincte. Il ne s’agit là, évidemment, que d’orientations générales, qui prendront sens à travers quelques cas précis.
2009
2916424172
Felce, F. (2009). Le 'Made In' et l'exemple italo-français - Chemins du renforcement de l'image de soi dans un monde en mondialisation?. In Made in. Identités culturelles et emblèmes nationaux dans un espace marchand. (pp.205-213). CRINI.
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